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Deux choses, outre la rareté de la main-d’œuvre, ont retardé le défrichement de ces nappes herbeuses ; deux choses qui tiennent, en partie, l’une à l’autre : la sécheresse et le manque de bois. À la sécheresse, il est difficile de trouver un remède ; faute d’eau, les plus fertiles de ces plaines resteront toujours exposées à des années stériles après des années d’abondance. De là, de fréquentes disettes, parfois de véritables famines, dans des provinces que, en d’autres temps, on pourrait regarder comme les greniers de l’Empire.

Le manque d’arbres est peut-être un plus grand obstacle à la population, ainsi privée à la fois de combustible et de matériaux de construction, d’autant que la pierre fait le plus souvent également défaut. Pour le chauffage, on n’a que les tiges des hautes herbes de la steppe et le fumier des troupeaux, ainsi enlevé à la terre. De pareilles ressources ne sauraient suffire à une population dense ; mais les chemins de fer et les routes, les mines de houille et d’anthracite, remédieront peu à peu à ces inconvénients, apportant ou remplaçant le bois, et rendant le fumier à l’agriculture. Avec ces causes d’infériorité, une partie des steppes fertiles a, sur tout le reste de la Russie, un avantage considérable : la position géographique. Voisins des embouchures des grands fleuves, à proximité de la mer Noire, ils ont, vers l’Europe, les débouchés les plus faciles. C’est la seule région de l’Empire qui ait accès sur une mer libre en toute saison.

Entre les steppes arables et le tchernoziom proprement dit, le mode de culture et la densité de la population sont les seules distinctions qu’on puisse établir avec quelque précision. Dans le steppe, la population est rare, la culture encore nomade. Les champs n’occupent que la moindre partie du sol, 25 ou 30 pour 100 de l’étendue totale ; le reste, le steppe inculte, forme d’immenses jachères qui servent de pâturages. La terre est cultivée pendant plu-