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CHAPITRE II


Qoestîons soulevées par l’émancipation. — Prétentions et déceptions de la noblesse. — Les lois agraires. — Pouvait-on affranchir les serfs sans leur donner des terres ? — Raisons et conditions de la dotation territoriale des paysans.


C’était un mouvement national qui, sous la pression d’une défaite, poussait de toutes parts à l’émancipation ; la nation devait-elle prendre à l’œuvre une part directe ? Le tsar, allait-il, comme Catherine II et dans un dessein mieux défini, réunir les députés des différentes classes en une sorte d’états généraux ? Quelques esprits le pensaient. On annonçait que, en dédommagement de la perte de ses serfs, la noblesse allait recevoir des droits politiques, que de l’émancipation sortirait une constitution. Cet espoir contribuait à rallier au projet d’affranchissement les propriétaires et les assemblées de la noblesse. En dépit des apparences, il est probablement heureux que les choses ne se soient point passées de la sorte ; qu’au lieu de faire délibérer et légiférer des députés de la noblesse, le gouvernement les ait simplement interrogés par voie consultative. Sur l’utilité de l’émancipation, il y avait presque unanimité dans l’empire ; sur les voies et moyens à prendre, sur la situation à faire aux affranchis, il n’y avait, dans le public et dans le gouvernement même, que discordances et vues confuses. Une assemblée élective, nombreuse et tumultueuse, eût eu du mal à rien tirer d’un pareil chaos d’idées. Puis, pour être équitable ou impartiale, une assemblée eût