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naturellement en deux types nettement tranchés par le sol : les steppes à terre végétale, plus ou moins analogue au tchernoziom, et les steppes de sable, de pierre ou de sel. Les premiers, qui, en Europe, occupent la plus vaste surface, offrent à l’agriculture un champ dont elle n’a qu’à s’emparer ; les seconds lui semblent à jamais rebelles. Si, par ce nom de steppe, on entend un espace inculte et désert, ceux-là ne le méritent que transitoirement, ceux-ci d’une manière permanente ; les uns sont des steppes accidentels, qui ne restent tels que grâce à l’absence ou à la rareté de l’homme, les autres sont des steppes éternels, du fait même de la nature[1].

Les steppes fertiles remplissent la plus grande partie de l’intervalle entre le tchernoziom qu’ils continuent, et la mer Noire ou l’Azof. Ils occupent le cours inférieur de tous les fleuves qui se jettent dans ces deux mers, du Dniester et du Boug au Don et au Kouban ; ils restent à une centaine de lieues du delta du Volga, mais remontent au Nord-Est entre le grand fleuve et les croupes méridionales des monts Ourals. Le sous-sol est généralement recouvert d’une couche végétale, identique à l’humus de la Terre noire. Laissés à eux-mêmes, ces steppes témoignent magnifiquement de leur fécondité naturelle. Dépourvus d’arbres, ils ont leur végétation, leur flore à eux, qui, dans sa libre croissance, ne leur laisse rien à envier aux plus belles forêts. À la place de bois, ils se couvrent au printemps d’herbes et de plantes de toute sorte qui les font ressembler à une mer de verdure. Ce n’est point aux déserts d’Afrique, c’est à la prairie d’Amérique qu’il faut alors comparer le steppe. La nature y montre une vie, une exubérance souvent extraordinaire. Dans leur sauvage vé-

  1. Zufällige-Steppen, — Ewige-Steppen, dit M. Tutzmann dans un mémoire joint à celui de M. Kœppen ; — Beiträgezur Kenntniss des russischen Reiches, Saint-Pétersbourg, t. XI. — M. Séménof se sert des noms, pour nous un peu barbares, de région tchernosémienne steppienne et région steppienne on tchernosémienne (Statistitcheski Vrémennik, 1871.)