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classe, ils ne se considéraient pas comme responsables envers leurs électeurs ; s’ils avaient pour quelques-uns des égards particuliers, c’était seulement pour les intérêts des personnages influents. Ces administrateurs élus étaient pour le pouvoir central des instruments aussi dociles, des agenls aussi zélés que les fonctionnaires directement nommés par lui ; en sorte que, si par cette institution on avait espéré corriger la trop grande influence de la bureaucratie, on s’était trompé. Cette apparente autonomie de l’administration locale n’atteignit ni la bureaucratie ni la centralisation. La Russie offre là un exemple de l’inefficacité des institutions sans les mœurs, de l’inanité des formes politiques et des libertés publiques sans esprit public.

La création d’assemblées où sont représentées toutes les classes de la nation a naturellement enlevé aux assemblées particulières de la noblesse la plupart de leurs prérogatives ; mais, dans ces nouveaux états provinciaux, dans le zemstvo de district ou de gouvernement, la noblesse a d’ordinaire gardé la prépondérance. C’est, comme nous le verrons, au maréchal de la noblesse qu’appartient de droit la présidence de ces réunions des diverses classes ; ce sont les propriétaires fonciers, les anciens seigneurs de serfs qui, par le nombre ou la situation, y ont une influence prédominante. En réduisant ses privilèges directs, l’extension des libertés publiques a même élargi la sphère d’activité du dvorianstvo. Personne ne lui conteste le titre de classe dirigeante, et, vingt ans à peine après les réformes qui l’ont privée de ses anciennes prérogatives, certains conseillers de la couronne ont semblé le convoquer à un rôle plus étendu, si ce n’est plus efficace. Depuis la guerre de 1870 et la Commune de Paris, les attributions de la noblesse se sont multipliées avec les institutions mêmes ; une place lui a été réservée dans la plupart des créations nouvelles. Le gouvernement lui a fait appel à un double titre, comme classe cultivée, et comme classe conservatrice. Alexandre II, dès 1874, l’invitait solennellement à se consti-