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LIVRE VI
LA NOBLESSE ET LE TCHINE




CHAPITRE I


La noblesse et les paysans, personnifiant les deux Russies, semblent deux peuples superposés l’un à l’autre. — Par son origine et son mode de recrutement, le dvorianstvo russe diffère de toutes les institutions analogues de l’Occident. — Noblesse personnelle et noblesse héréditaire. — Grand nombre des nobles. — Des titres russes. — Les descendants de Rurik et de Guédimine. — Pourquoi cette haute noblesse ne forme-t-elle pas une aristocratie ? — Constitution de la famille russe. Partage égal des biens entre les mâles. Conséquences politiques de ce système. — Tentatives pour acclimater le droit d’aînesse et les majorats.


La rareté des villes, le manque d’industrie et de grand commerce, l’absence de professions libérales ont en Russie retardé jusqu’à nos jours la formation d’une classe moyenne. Ni par le nombre, ni par l’éducation, la bourgeoisie n’a la même importance que dans l’occident de l’Europe. Comme au temps de Pierre le Grand, il reste encore en présence et pour ainsi dire face à face, sans intermédiaire pour les unir ou les séparer, deux classes que, dans leur opposition même, il est difficile d’isoler l’une de l’autre : la noblesse et les paysans, l’ancien seigneur et l’ancien serf. En ces deux hommes, en ces deux classes se personnifient encore aujourd’hui deux Russies : dans la première, la Russie moderne, la Russie européenne de Pierre et des empereurs réformateurs ; dans la seconde, la Russie mosco-