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CHAPITRE III


Classification de la population urbaine depuis Catherine II. — L’artisan et le mechtchanine ou petit bourgeois. — Prolétariat urbain. — Comment il a d’ordinaire conservé le même esprit que le peuple des campagnes. — Les guildes de marchands et leurs privilèges. — Comment l’émancipation leur a ouvert l’accès de la propriété foncière. — Les citoyens honoraires ou bourgeois notables. — La Russie naguère encore dépourvue des professions où se recrutait la bourgeoisie occidentale. — En quoi les réformes contribuent-elles à créer une bourgeoisie à l’européenne.


La population des villes demeure, depuis Pierre Ier et Catherine II, classée sous cinq ou six rubriques réparties en deux groupes principaux : le gros commerce ou les marchands, formant la classe supérieure, classe longtemps privilégiée, et les petits commerçants, les artisans de toute sorte, divisés en plusieurs catégories qui ne diffèrent guère entre elles que par le nom. Il y a les mechtchanes, petits bourgeois ou citadins, les remeslenniki ou artisans, les tsekhovye, membres des corps de métiers ; il y a les raznotchintsy, sorte de caput mortuum, contenant tous les gens qui ne sont rangés dans aucune autre classe. De ces diverses catégories, la première est la plus importante, elle peut être regardée comme le type de toute la population inférieure des villes. Le terme de mechtchanine est d’ordinaire traduit par bourgeois ; l’homme, désigné par le mot russe, répond cependant bien peu au mot français. Le mechtchanine[1] est l’habitant des villes qui, n’étant ni noble ni prêtre, n’est pas assez riche pour être inscrit parmi les marchands et

  1. Mechtchanine, au pluriel mechtchané, de mesto, lieu, place, diminutif mestetchko, petite ville, bourg.