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accumulent des richesses dans leur trésor et agrandissent leur patrimoine à la façon d’un héritage privé, et cela, semble-t-il d’après leurs traités et leurs testaments, sans idée politique bien nette, plutôt en propriétaires, jaloux d’arrondir leurs domaines, qu’en souverains, ambitieux d’étendre leurs États[1]. Ce caractère, privé, domanial, le vaste empire moscovite le conservera dans son gouvernement et son administration, à travers tous ses succès et toutes ses conquêtes jusqu’à la réforme de Pierre le Grand[2].

L’établissement de l’hérédité directe donna à Moscou la constitution qui lui valut de triompher de tous ses rivaux asiatiques ou européens. Un kniaz de Moscou, Jean Kalita, obtient de la Horde vers 1330 le titre de grand-prince ; se faisant le fermier général des impôts tatars, il augmente rapidement sa puissance avec ses richesses. Son petit-fils, Dmitri Donskoî, le seul héros de la famille, se sent déjà assez fort pour tenter contre la Horde le sort des armes. Vainqueur à Koulikovo, sur les bords du Don (1380), il expie par des revers une victoire prématurée. Parfois en révolte contre les khans, le plus souvent leurs humbles tributaires, les successeurs de Dmitri rétablissent par la finesse la puissance moscovite un instant compromise par la vaillance. Pendant que sous leur main la Russie s’unifiait, la Horde d’or se démembrait en trois khanats. À la fin du quinzième siècle paraît Ivan III, vrai grand monarque à la façon des plus grands de ses contemporains, de Louis XI ou de Ferdinand le Catholique. Ivan III réduit le khanat de Kazan au vasselage ; son petit fils Ivan VI assujettit Kazan et Astrakan. Ivan III dépouille les princes apanagés, Ivan IV abaisse les boïars et les anciennes familles. Le

    tous dans le même chemin, et cela lentement, prudemment, mais d’uno manière interrompue et inflexible. » (Istoriia Rossii, t. IV.)

  1. Le mot gosoudar, qui aujourd’hui signifie souverain et n’est employé que pour l’empereur, avait lui-même à cette époque le sens de khoziaïn, propriétaire.
  2. Voyez particulièrement M. Tchitchérine, Opyiy po istorii Rousskago prava et Oblastnya outchregdéniia Rossii v XVII u.