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CHAPITRE III


La variété de la nature russe est dans les alternatives des saisons. — Comment les oppositions de l’hiver, du printemps, de l’été ont réagi sur le tempérament national. — Le caractère russe est extrême, comme le climat. — Ses contradictions. — Sa flexibilité. — Sa faculté d’adaption. — Une personnification historique du caractère national.


Peut-être avons-nous trop insisté sur l’uniformité des campagnes de la Russie ; elles aussi, en effet, ont leur principe de variété, qui réagit puissamment sur l’homme et contribue à expliquer les contradictions apparentes du caractère national. Ce principe de variété est moins dans le sol que dans le climat.

En Russie, la diversité, et avec elle, le pittoresque et la beauté proviennent du temps plus que de l’espace, de la succession des saisons plus que de celle des contrées. C’est l’inverse des pays du Midi, des pays tropicaux surtout, où la végétation et les aspects extérieurs de la terre et du ciel changent peu, où, les saisons ne différant guère que par des nuances, la vie coule au milieu d’elles, d’un cours égal et monotone. Dans le nord, dans une région continentale surtout comme la Grande-Russie, les saisons s’opposent fortement les unes aux autres, elles revêtent tour à tour la terre de vêtements aux couleurs les plus tranchées. Grâce à elles, le Russe, avec la variété des aspects de la nature, recouvre la variété des impressions et des sentiments que lui refusait le sol. Sans quitter son village, il passe, à six mois d’intervalle, par des climats et en même temps par des tableaux aussi différents que si, entre le pôle et l’équateur, il descendait et remontait alternative-