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grande satisfaction que de dire ce qu’on croit utile et juste.

  Il ne me reste plus qu’à soumettre au public quelques réflexions sur l’art malaisé d’écrire l’histoire, et à m’expliquer sur certaines particularités de forme et de langage qu’on trouvera dans cet ouvrage.

  Pour sentir l’esprit d’un temps qui n’est plus, pour se faire contemporain des hommes d’autrefois, une lente étude et des soins affectueux sont nécessaires. Mais la difficulté n’est pas tant dans ce qu’il faut savoir que dans ce qu’il faut ne plus savoir. Si vraiment nous voulons vivre au XVe siècle, que de choses nous devons oublier : sciences, méthodes, toutes les acquisitions qui font de nous des modernes ! Nous devons oublier que la terre est ronde et que les étoiles sont des soleils, et non des lampes suspendues à une voûte de cristal, oublier le système du monde de Laplace pour ne croire qu’à la science de saint Thomas, de Dante et de ces cosmographes du Moyen-Âge qui nous enseignent la création en sept jours et la fondation des royaumes par les fils de Priam, après la destruction de Troye la Grande. Tel historien, tel paléographe est impuissant à nous faire comprendre les contemporains de la Pucelle. Ce n’est pas le savoir qui lui manque, c’est l’ignorance, l’ignorance de la guerre moderne, de la politique moderne, de la religion moderne.