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  Les philosophes ne sont pas tombés en France, au XVIIIe siècle, comme une pluie de sauterelles : ils sortaient de deux siècles d’esprit critique. S’ils trouvaient dans l’histoire de Jeanne d’Arc plus de capucinades que leur goût n’en souffrait, c’est qu’ils avaient été instruits dans l’histoire ecclésiastique par les Baillet et les Tillemont, hommes pieux, sans doute, mais grands destructeurs de légendes. Voltaire railla sur Jeanne les moines fripons et leurs dupes. Si l’on rappelle les petits vers de la Pucelle, pourquoi ne pas rappeler aussi l’article[1] du Dictionnaire Philosophique, qui renferme en trois pages plus de vérités solides et de pensées généreuses que certains gros ouvrages modernes où Voltaire est insulté en jargon de sacristie ?

  C’est précisément à la fin du XVIIIe siècle que Jeanne commença à être mieux connue et plus justement estimée, d’abord par le petit livre que l’abbé Lenglet du Fresnoy tira presque en entier de l’histoire inédite

  1. Voltaire, éd. Beuchot, t. XXVI. — Cf. aussi : Essai sur les mœurs, chap. LXXX. « Enfin, accusée d’avoir repris une fois l’habit d’homme, qu’on lui avait laissé exprès pour la tenter, ses juges… la déclarèrent hérétique relapse, et firent mourir par le feu celle qui, ayant sauvé son roi, aurait eu des autels dans les temps héroïques, où les hommes en élevaient à leurs libérateurs. Charles VII rétablit depuis sa mémoire, assez honorée par son supplice même. »