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  Regardez Chapelain, dont le poème fut publié pour la première fois en 1656. Chapelain est burlesque avec gravité ; c’est un Scarron sans le savoir. Nous n’en avons pas moins profit à apprendre de lui qu’il n’a vu dans son sujet qu’une occasion de célébrer le Bâtard d’Orléans. Il dit expressivement en sa préface : « Je ne l’ai pas tant regardée [la Pucelle] comme le principal héros du poème, qui à proprement parler est le comte de Dunois. » Chapelain était aux gages du duc de Longueville, descendant de Dunois[1] ; c’est Dunois qu’il chante ; « l illustre bergère » vient lui fournir à propos le merveilleux, et selon l’expression du bonhomme, les machines nécessaires à l’épopée. Les saintes Catherine et Marguerite, trop vulgaires, sont exclues de ces machines. Chapelain nous avertit qu’il prit un soin particulier de conduire son poème « de telle sorte que tout ce qu’il y fait faire par la puissance divine s’y puisse croire fait par la seule force humaine élevée au plus haut point où la nature est capable de monter ». On voit poindre ici l’esprit moderne.

  Bossuet aussi se garde bien de parler de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Les quatre ou cinq pages in-4o qu’il consacre à Jeanne d’Arc dans son Abrégé de l’

  1. Jean Chapelain, La Puoelle ou la France délivrée, Paris, 1656, in-fo.