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eux-mêmes retranchaient beaucoup sur le martyrologe et les légendes des saints. Un de ceux-là, Edmond Richer, champenois comme Jeanne, censeur de l’Université en 1600, et zélé gallican, composa un livre apologétique sur celle qui avait soutenu de son épée la couronne de Charles VII[1]. Bien qu’attaché aux libertés de l’église de France, Edmond Richer était bon catholique. Il avait de la doctrine et de la piété ; il croyait fermement aux anges, mais il ne croyait ni à sainte Catherine ni à sainte Marguerite, et leur apparition à la Pucelle l’embarrassait beaucoup. Il se tira de cette difficulté en supposant que des anges s’étaient donnés à la jeune fille pour les deux saintes à qui, dans son ignorance, elle avait une grande dévotion. L’hypothèse lui parut satisfaisante, « d’autant, disait-il, que l’Esprit de Dieu, qui gouverne l’Église, s’accommode à notre infirmité ». Trente ou quarante ans plus tard, un autre docteur en Sorbonne, Jean de Launoy, le dénicheur de saints, acheva de ruiner la légende de sainte Catherine[2]. Les voix de Domremy devenaient terriblement suspectes.

  1. Edmond Richer, Histoire de la Pucelle d’Orléans en 4 livres, ms., Biblioth. Nat., f. fr., 10448, fol. 122°.
  2. « La vie de sainte Catherine, vierge et martyre, est toute fabuleuse 1 depuis le commencement jusqu’à la fin. » Valesiana, p. 48. — « M. de Launoy, docteur en théologie, avait rayé de son calendrier sainte Catherine, vierge et martyre. 11 disait que sa vie était une fable, et, pour montrer qu’il n’y ajoutait aucune foi, tous les ans, au jour de la fête de cette sainte, il disait une messe de Requiem. C’est de lui-même que je tiens cette partieularité. » Ibidem, p. 36.