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vouloir qu’ils aient vu Jeanne telle que les siècles l’ont faite et achevée[1].

  Il reste toutefois ceci, que le Conseil royal, après avoir tant usé d’elle, ne fit rien pour la sauver.

  La honte de cette abstention doit-elle retomber sur le Conseil tout entier et sur le Conseil seul ? Qui donc, au juste, devait intervenir ? Et comment ? Que devait faire le roi Charles ? Offrir de racheter la Pucelle ? On ne la lui aurait cédée à aucun prix. Quant à la ravoir par la force, c’était un rêve d’enfant. Seraient-ils entrés à Rouen, les Français ne l’y auraient point trouvée : Warwick aurait toujours eu le temps de la mettre en sûreté ou de la noyer dans la rivière. Pour la reprendre, ni l’argent ni les armes ne valaient rien. Ce n’est point à dire qu’on dût se croiser les bras. On pouvait agir sur ceux qui faisaient le procès. Sans doute ils étaient tous, ceux-là, du parti des Godons ; ce vieux cabochien de Pierre Cauchon s’y trouvait surtout très engagé ; il exécrait les Français ; les clercs de l’obéissance de Henri VI étaient naturellement enclins à plaire au grand conseil d’Angleterre d’où coulaient les bénéfices ; les docteurs et maîtres de l’Université de Paris avaient grand’peur et grande haine des Armagnacs ;

  1. H. Martin, Jeanne d’Arc, Paris, 1856, in-12. — J. Quicherat, Nouvelles preuves des trahisons essuyées par la Pucelle dans Revue de Normandie, t. VI (1866), pp. 396-401.