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Jeanne fut prisonnière à Sully ; je crois qu’elle en sortit avec bannière et trompettes quand elle alla rejoindre le chancelier qui l’employa jusqu’au moment où elle fut prise par les Bourguignons. Après la petite sainte, il mit en œuvre un petit saint, un berger, qui avait reçu les stigmates. C’est donc qu’il ne regrettait pas de s’être servi d’une personne de dévotion pour combattre les ennemis du roi et recouvrer son archevêché.

  L’honnête Quicherat et le généreux Henri Martin sont très durs pour le gouvernement de 1428. À leur sens, c’est un gouvernement de trahison. En fait, ce qu ils reprochent à Charles VII et à ses conseillers c’est de n’avoir pas compris la Pucelle comme ils la comprennent eux-mêmes. Mais il a fallu quatre cents ans pour cela. Pour avoir sur Jeanne d’Arc les illuminations d’un Quicherat et d’un Henri Martin, il a fallu trois siècles de monarchie absolue, la Réforme, la Révolution, les guerres de la République et de l’Empire, et le néo-catholicisme sentimental des hommes de 48. C’est à travers tant de prismes brillants, sous tant de teintes superposées que les historiens romantiques et les paléographes généreux ont découvert la figure de Jeanne d’Arc, et c’est trop demander à ce pauvre dauphin Charles, à La Trémouille, à Regnault de Chartres, au seigneur de Trèves, au vieux Gaucourt, que de