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dans la vérité quand ils font de la Pucelle une sainte. Par malheur, l’idée de la sainteté s’est beaucoup affadie dans l’Église depuis le concile de Trente, et les historiens orthodoxes sont peu disposés à rechercher les variations de l’Église catholique à travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et moderne. Si bien que, pour trouver la plus étrangement travestie de toutes les Jeanne d’Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse protectrice de la France chrétienne, patronne des officiers et des sous-officiers, modèle inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la druidesse romantique, la garde nationale inspirée, la canonnière patriote des républicains, s’il ne s’était trouvé un Père jésuite pour faire une Jeanne d’Arc ultramontaine[1].

  Je n’ai pas soulevé de doutes sur la sincérité de

  1. Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, 5 vol. grand in-So, Paris, 1894-1902. En parlant de ce livre dans une étude sur l’Abjuration de Jeanne d’Arc (Paris, 1902, pp. 7 et 8, note), le chanoine Ulysse Chevalier, auteur d’un précieux Répertoire des sources du moyen âge, s’exprime avec beaucoup de sens et de fermeté. « Par les dimensions de ses cinq volumes, dit-il, cet ouvrage pourrait faire l’illusion d’être la plus ample histoire de Jeanne d’Arc ; il n’en est rien. C’est un chaos de mémoires traduits ou mis en français de notre temps, de réflexions et de controverses contre la libre pensée, représentée par Miehelet, H. Martin, Quicherat, Vallet de Viriville, Sim. Luce’et Jos. Fabre. Deux titres suffiront pour donner une idée du ton. « Les pseudo-théologiens bourreaux de Jeanne d’Arc, bourreaux de la Papauté » (t. I, p. 87). « L’Université de Paris et le brigandage de Rouen » (p. 149). L’auteur juge trop souvent le xy siècle d’après les préoccupations du xix\ Est-il sûr que, membre de 1 Université de Paris, en 1431, il eût pensé et jugé en faveur de Jeanne cl Arc, a 1 encontre de ses collègues ? ».