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ne sortaient pas d’une bouche humaine. Ces voix l’entretenaient le plus souvent d’une façon distincte et intelligible pour elle. C’était dans les bois qu’elle les entendait le mieux, ou quand sonnaient les cloches. Elle voyait des figures en manière, a-t-elle dit, de choses multiples et minimes, comme des étincelles perçues dans un éblouissement. Sans nul doute, elle avait aussi des visions d’une autre nature, puisque nous tenons d’elle qu’elle voyait saint Michel sous les apparences d’un prud’homme, c’est-à-dire d’un bon chevalier, sainte Catherine et sainte Marguerite, le front ceint d’une couronne. Elle les voyait qui lui faisaient la révérence ; elle les embrassait par les jambes et sentait leur bonne odeur. Qu’est-ce à dire sinon qu’elle avait des hallucinations de l’ouïe, de la vue, du toucher et de l’odorat ? Chez elle, de tous les sens, le plus affecté c’est l’ouïe:elle dit que ses voix lui apparaissent ; elle les nomme parfois aussi son conseil ; elle les entend très bien à moins qu’on ne fasse du bruit autour d’elle. Le plus souvent elle leur obéit ; quelquefois elle leur résiste. Il est douteux que ses visions fussent aussi distinctes. Soit qu’elle ne le voulût pas, soit qu’elle ne le pût pas, elle n’en donna jamais aux juges de Rouen une description bien nette ni bien précise. Ce qu’elle sut peindre le mieux ce furent encore les anges porte-