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on est déçu quelquefois par les témoins sur lesquels on devait compter le plus, je citerai frère Pasquerel[1]. Frère Pasquerel est le chapelain de Jeanne. Vous vous attendez à ce qu’il parle en homme qui a vu et qui sait. Frère Pasquerel met l’examen de Poitiers avant l’audience que donna le roi à la Pucelle dans le château de Chinon[2]. Oubliant que l’armée de secours se trouvait tout entière dans Orléans depuis le 4 mai, il suppose que, dans la soirée du vendredi 6, on l’attendait encore[3]. On peut juger par là de l’ordre qui règne dans la tête de ce religieux. Le pis est qu’il invente des miracles ; il veut faire croire au monde que, lors de l’arrivée du convoi de vivres sous Orléans, survint, par l’intervention de la Pucelle, pour renflouer les chalands, une crue soudaine de la Loire, que personne n’a remarquée, excepté lui[4].

La déposition de Dunois[5] cause aussi quelque déception. On sait que Dunois était un des hommes les plus

  1. Procès, t. III, p. 100.
  2. Il convient toutefois de remarquer que frère Pasquerel, qui n était ni à Chinon, ni à Poitiers, prend soin de dire qu’il ne sait du séjour de Jeanne dans ces deux villes que ce qu’elle-même lui a appris. Or, nous voyons, non sans surprise, qu’elle mettait aussi, l’examen de Poitiers avant l’audience de Chinon, puisqu’elle a dit dans son procès, que, à Chinon, ayant montré un signe à son roi, les clercs cessèrent de « l’arguer » (Procès, t. I, p. 146).
  3. Expectando succursum régis (Procès, t. III, p. 109).
  4. Procès, t. III, p. 105.
  5. Ibid., t. 111, pp. 2 et suiv.