Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et tout mon cœur. Vous m’avez appelé. Me voici devant vous sans réserve et sans feinte. Mais ai-je besoin de dire que je croirais trahir les lois les plus sacrées de l’hospitalité, si je m’écartais en quoi que ce fût du respect dû aux consciences, aux convictions, à la foi, à la vie intérieure des âmes ?

J’ai aussi mes convictions, j’ai aussi ma foi. S’il arrivait, par impossible, qu’elles fussent violemment attaquées sur cette terre hospitalière, je ne répondrais que par un tranquille silence, assuré que le calme convient à la raison et le dédain à l’indépendance intellectuelle. Mais pourquoi chercher des nuages dans un ciel pur ? Nous sommes ici dans les régions sereines de la littérature où vous m’avez convié, où tout est concorde, paix, amitié, sourire.


Mesdames et Messieurs,

Il me semble que, pour vous présenter la vie et l’œuvre d’un grand écrivain, le mieux est d’exposer les faits dans l’ordre chronologique. Je vous dirai donc tout ce qu’on sait de Rabelais depuis sa naissance jusqu’a sa mort, et nous étudierons ses livres à la date de leur apparition.

Je sais que je suis peu fait [pour] un auditoire tel que le vôtre, mais il ne faut rien affecter, pas même la modestie.