Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

autre chose faire, passassent leur temps à monter sur ladite pierre, à banqueter à force flacons, jambons et pâtés, et écrire leurs noms dessus avec un couteau ».

Nous sommes en pleine tradition populaire. Les paysans attribuaient au caprice des géants le transport de ces pierres brutes, qu’on a nommées, depuis, druidiques, celtiques, préhistoriques, sans leur trouver une origine mieux prouvée que celle que Rabelais attribue, par ouï-dire, à la pierre levée de Poitiers, où de son temps les étudiants allaient manger et boire. Pantagruel est, pour l’instant, un géant capable d’avaler, comme son père, trois pèlerins dans sa salade. Patience ! il deviendra bientôt un homme de stature raisonnable, comme vous et moi. Mais plût aux dieux que nous fussions tous aussi sages ! Car ce Pantagruel va se trouver en toutes occasions la raison et la bonté mêmes.

Un jour, après souper, se promenant aux portes d’Orléans, avec ses compagnons, il rencontra un écolier qui venait par la route de Paris, et, dès qu’ils se furent salués, il lui demanda :

— Mon ami, d’où viens-tu à cette heure ?

L’écolier lui répondit :

— De l’alme, inclyte et célèbre académie que l’on vocite Lutèce.

Et, sur une autre question de Pantagruel, l’écolier reprend :

— Nous transfrétons la Séquane au dilucule et