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bons hommes de guerre, et qu’ils commandent à plusieurs vaillantes et belliqueuses nations. Si donc les Dieux nous font la grâce d’en venir au-dessus, à quoi nous servira cette victoire ?

Pyrrhus lui répondit :

— Tu me demandes une chose qui est de soi-même tout évidente. Car, quand nous aurons dompté les Romains, il n’y aura plus en tout le pays cité grecque ni barbare qui nous puisse résister, mais conquerrons incontinent sans difficulté tout le reste de l’Italie, la grandeur, bonté, richesse et puissance de laquelle personne ne doit mieux savoir ni connaître que toi-même.

Cinéas, faisant un peu de pause, lui répliqua :

— Et quand nous aurons pris l’Italie, que ferons-nous, puis après ?

Pyrrhus, ne s’apercevant pas encore où il voulait venir, lui dit :

— La Sicile, comme tu sais, est tout joignant, qui nous tend les mains, par manière de dire, et est une île riche, puissante et abondante de peuple, laquelle nous sera très facile à prendre, pour ce que toutes les villes y sont en dissension les unes contre les autres, n’ayant point de chef qui leur commande depuis qu’Agathocle est décédé, et n’y a que des orateurs qui prêchent le peuple, lesquels seront fort faciles à gagner.

— Il y a grande apparence en ce que tu dis, répondit Cinéas, mais quand nous aurons gagné la Sicile, sera-ce la fin de notre guerre ?