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tion joyeuse, frère articulant, c’est-à-dire regardant curieusement, et frère diabliculant, c’est-à-dire calomniant.

Enfin, le Chapitre fit faire des perquisitions dans les cellules de Pierre Lamy et de François Rabelais. On y découvrit des livres grecs, quelques écrits venus d’Allemagne et d’Italie et des ouvrages d’Érasme. Ces livres furent confisqués. En outre une lourde accusation pesait sur les deux savants. On leur reprochait qu’au lieu de consacrer à la mense conventuelle les profits qu’ils retiraient de la prédication évangélique, ils les affectaient à l’entretien d’une nombreuse bibliothèque. C’est là un grief dont nous ne pouvons être juges, mais dont on sent la gravité.

Pierre Lamy et François Rabelais, privés de livres et de papier, mis au secret, éprouvaient de grands maux et en redoutaient de pires, du fait de ces malheureux moines que l’ignorance et la peur rendaient crédules et méchants. Frère François, prudent et sage, craignait les farfadets. Ainsi appelait-il le frère Arthus et tous autres frères diabliculants. Pierre Lamy n’était pas plus rassuré. En ces conjonctures, ce très savant homme se rappela que les anciens Romains pratiquaient la divination en lisant un livre à l’endroit qu’avant de l’ouvrir ils avaient marqué de l’ongle et qu’employant de préférence, à cet usage, les œuvres de Virgile, ils appelaient cette façon de découvrir l’avenir les sorts virgiliens. Il