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qu’on nommait Ouï-Dire. Il avait la gueule fendue jusqu’aux oreilles et dans la gueule sept langues et chaque langue fendue en sept parties. Toutes les sept parlaient ensemble. Il portait sur la tête et le reste du corps autant d’oreilles qu’Argus avait d’yeux.

« Autour de lui, ajoute l’auteur, je vis nombre innombrable d’hommes et de femmes écoutant et attentifs… L’un d’eux, tenant une mappemonde, la leur enseignait par petits aphorismes ; tous y devenaient clercs et savants en peu d’heures et parlaient de choses qu’il faudrait une vie entière pour connaître, non pas entièrement, mais en minime partie, des Pyramides, du Nil, de Babylone, des Troglodytes, des Pygmées, des Cannibales, de tous les diables, et le tout par ouï-dire. Là, je vis Hérodote, Pline, Solin, Bérose, Philostrate, Méla, Strabon et tant d’autres antiques, Albert-le-Grand, Paul Jove, Jacques Cartier, Marco Polo et je ne sais combien d’autres modernes historiens, écrivant de belles besognes, et le tout par ouï-dire. »

Cet endroit donne sujet à réflexions. Rabelais, si toutefois ce texte lui doit être intégralement attribué (car, dans ce cinquième livre, tout détail est suspect), Rabelais met parmi les conteurs de fables Jacques Cartier, pilote du roi. Cela va un peu à l’encontre du système qui ferait des navigations pantagruélines une sorte de variation littéraire sur un thème géographique de l’explo-