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des Juifs. C’est pour cela qu’elle n’est pas détestée, corrigée et punie comme elle devrait. Mais, si elle est quelque jour mise en évidence et manifestée au peuple, il n’y aura pas d’orateur assez éloquent, de loi assez rigoureuse, de magistrat assez puissant pour les préserver d’être brûlés tout vifs dans leur raboulière. »

L’île des Apedeftes où nous débarquons ensuite est l’île de la Cour des comptes. Les Apedeftes sont uniquement occupés à mettre en presse des maisons, des prés, des champs, pour en faire suer de l’argent, dont une partie seulement revient au roi. Le reste a disparu.

Nous nous rendons ensuite à l’île des Outres. Nos aïeux se divertissaient sans doute, comme d’une peinture de Breughel-le-Vieux, de ces descriptions de gens obèses qui, après quelque goinfrerie, crèvent dans leur peau avec un bruit horrible. Nous ne nous y plaisons plus aujourd’hui que par amitié pour le passé et par fantaisie d’archéologue.

Après avoir passé outre (le jeu de mots est dans le texte et n’en vaut pas mieux pour cela) nous arrivons au royaume de la Quinte-Essence où les habitants sont ingénieux et subtils. Les uns blanchissent des Éthiopiens en leur frottant le ventre d’un panier ; d’autres labourent leur champ avec une charrue attelée de renards ; certains coupent le feu avec un couteau ; d’autres gardent de l’eau dans un crible. Il y en a qui