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d’œillets, de marjolaine, qui invitaient les convives à boire, avec de doctes et mignonnes révérences.

En cela le bonhomme Homenaz ne faisait que suivre la coutume des Valois qui, au service coutumier des pages, substituaient volontiers, à leur table, celui de jeunes et belles demoiselles. Homenaz, au milieu de ce festin magnifique, entonne les louanges des sacrées décrétales qui, si elles étaient obéies, feraient, disait-il, le bonheur du genre humain et commenceraient une ère de félicité universelle.

Les décrétales sont, vous le savez, des lettres par lesquelles le Pape, résolvant une question qui lui est soumise, donne, à l’occasion d’un cas particulier, une solution applicable à tous les cas analogues. Parfois, on en produisit de fausses, pour créer des précédents favorables.

Or, ce n’est pas en vain que Rabelais conduit ses lecteurs auprès d’un Papimane entiché de décrétales. Il en prend texte pour railler abondamment, et avec une acrimonie qui ne lui est pas habituelle, ces textes vrais ou faux, sur lesquels le Souverain Pontife prétendait établir ses droits sur les peuples et sur les princes. Il met de copieuses railleries à l’endroit de ces saintes épîtres dans la bouche des compagnons de Pantagruel. Ponocrates conte que Jean Chouart, de Montpellier, a pris, pour battre son or, un feuillet des décrétales, et que toutes ses pièces furent estropiées.