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et parmi les gémissements des femmes des mystères.

Nous avons beaucoup tardé chez les Macréons. Mais le paysage, les récits, les idées, les images, tout y est d’un singulier attrait et d’une beauté rare. Dans la description de cette île mélancolique et de son bois sacré, tout est grave, religieux, héroïque. On se la représente comme cette île de pins noirs mouillée dans les eaux de Corfou, et que Boecklin a peinte avec tant de grandeur, tant de tristesse et tant de mystère.

Pantagruel et ses compagnons poursuivent leur navigation à la recherche de la Dive Bouteille. À peine l’île des Macréons hors de vue, l’île de Tapinois est signalée. C’est une île misérable, habitée par Carême prenant, c’est-à-dire par le carême en personne. Rabelais, qui, en religion, n’entreprend jamais sur le dogme, est au contraire très réformateur en matière de discipline ecclésiastique. Il personnifie le carême en un monstre odieux et ridicule, mangeur de poisson, dictateur de moutarde, père nourricier des médecins, bon catholique au reste et de grande dévotion, pleurant les trois quarts du jour et n’assistant jamais aux noces.

Rabelais, par la bouche de Xénomanes, fait l’anatomie de Carême prenant. Le morceau fort long est demeuré longtemps inintelligible ; et l’on avouera qu’il est difficile de comprendre un texte tel que celui-ci :