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y est confuse et formée, ce semble, moins d’après le spectacle de la nature que sur des souvenirs littéraires. Il faut arriver jusqu’à Pierre Loti ou tout au moins jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre pour trouver dans un livre une tempête vue et sentie.

Le port où la flottille de Pantagruel aborde après la tempête est celui des Macréons, dont l’île, autrefois riche, marchande et populeuse, est maintenant, par l’injure du temps, pauvre et déserte. Là, dans une forêt obscure, parmi des temples en ruines, des obélisques et des tombeaux antiques, habitent les démons et les héros.

Un vieillard raconte aux voyageurs les vicissitudes causées par la vie et la mort des hôtes sublimes de la forêt et leur révèle, en même temps, la cause de la tempête dont ils viennent d’échapper à si grand’peine.

— Nous croyons, dit le bon Macréon, qu’hier il est mort quelque héros, au trépas duquel fut excitée cette horrible tempête. Car, eux vivants, tout bien abonde en ce lieu et autres îles voisines, et en mer est calme et sérénité continuelle. Au trépas d’un chacun d’eux, ordinairement nous entendons, par la forêt, grandes et plaintives lamentations, et voyons en terre pestes et afflictions, en l’air troubles et ténèbres, en mer tempête et fortunal.

Pantagruel, tout prêt à adopter ces idées, en fournit lui-même une explication :