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trer, qui délivra les âmes. Les idées de Platon et de Cicéron furent fécondes, sans doute ; l’application et la discipline des esprits qui s’étudiaient à les pénétrer furent plus fécondes encore. Les hommes osèrent enfin penser ! Croyant penser par les anciens, ils pensèrent par eux-mêmes. Voilà la Renaissance.

L’imprimerie, qui « par suggestion angélique », comme dit notre auteur, fut inventée vers le milieu du quinzième siècle, aida beaucoup à cette renaissance des études qui, pour son excellence, fut appelée du seul mot de Renaissance. L’imprimerie en ses commencements, cachée et déguisée, humble imitatrice de la calligraphie et tout occupée à copier des Bibles, grandit, s’étend et devient l’universelle dispensatrice des lettres sacrées et profanes. La presse multiplie les textes ; c’est, pour parler avec pantagruélisme, c’est l’énorme pressoir d’où jaillit pour tous le vin de la connaissance.

Paris, qui avait eu sa première presse sous Louis XI, dans une cave de la Sorbonne, en compte bientôt vingt ou trente. La docte ville de Lyon en possédait déjà cinquante au commencement du seizième siècle. L’Allemagne en avait alors plus de mille. La foire des livres est pour Francfort une source inépuisable de richesse. Les trésors de l’antiquité renfermés naguère dans les coffres de quelques humanistes, courent, circulent partout. Virgile est imprimé en 1470, Homère en