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cabinet, tous les sacs du défendeur (ils mettaient dans des sacs les pièces dont on fait aujourd’hui des dossiers), tous les sacs du défendeur et lui livre chance. Cela fait, je pose les sacs du demandeur sur l’autre bout et je lui livre chance pareillement.

Et Bridoye expose qu’il jette alors les dés. Il en a de petits pour les causes ardues, et de gros, bien beaux et harmonieux, pour les causes plus liquides. Il rend la sentence selon le sort des dés, et ne doute point qu’en procédant ainsi il ne se conforme à l’usage constant de la magistrature.

— Voire, mais, mon ami, lui demande le président Trinquamelle, puisque vous faites vos jugements en jetant les dés, pourquoi ne consultez-vous pas le sort dès le moment où les parties comparaissent devant vous, sans autre délai ? À quoi vous servent les écritures et autres procédures contenues dans les sacs ?

— À trois choses, répond Bridoye. Premièrement, pour la forme, sans laquelle un arrêt n’est point valable. Secondement, comme exercice honnête et salutaire. Troisièmement, comme vous autres, messieurs, je considère que le temps mûrit toutes choses ; par le temps, toutes choses viennent en évidence : le temps est père de vérité.

Et Bridoye conte à ce propos l’histoire de Perrin Dandin, qui était tout autre chose que le Perrin Dandin des Plaideurs. Le Perrin Dandin