Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une sentence par lui rendue. Pantagruel, curieux de suivre cette affaire, se transporta à Myrelingues avec ses familiers, Panurge, Épistémon, Frère Jean et les autres.

Quand ils entrèrent dans la salle du Parlement, le président Trinquamelle demandait à Bridoye comment il avait pu rendre une certaine sentence qui ne semblait nullement équitable.

Pour toute raison et pour toute excuse, Bridoye répondit qu’il était devenu vieux, qu’il n’avait plus la vue aussi bonne qu’autrefois, qu’il ne reconnaissait pas les points des dés aussi distinctement que par le passé, et que, dans la sentence du procès dont il était question, il aurait pris un quatre pour un cinq. En quoi il n’était pas répréhensible, les infirmités naturelles ne devant point être imputées à crime.

— De quels dés voulez-vous parler, mon ami ? demanda le président Trinquamelle.

— Les dés des jugements, dont vous autres, messieurs, vous usez ordinairement en votre cour souveraine. Ainsi font tous les autres juges pour juger les procès.

— Comment faites-vous, mon ami ?

— Je fais comme vous autres, messieurs, conformément à l’usage judiciaire. Ayant bien vu, revu, lu, relu, paperassé et feuilleté les pièces, requêtes, enquêtes, répliques, dupliques, tripliques, etc., etc., comme doit faire le bon juge, je pose sur le bout de la table, en mon