Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le pape Jean XXII passant un jour par le couvent de Fontevrault fut prié par l’abbesse et par les dames de les autoriser à se confesser les unes aux autres, alléguant qu’il y a certains péchés que les religieuses ne peuvent découvrir à un homme sans une insupportable honte.

— Nous nous les dirons plus volontiers les unes aux autres.

— Je vous accorderais de bon cœur ce que vous me demandez là, répondit le pape. Mais j’y vois un inconvénient. C’est que la confession ne doit pas être divulguée, et que, vous autres femmes, vous auriez grand’peine à en garder le secret.

— Nous le garderons très bien, répondirent-elles, et mieux que ne font les hommes.

Avant de les quitter, le Saint-Père leur donna en garde une boîte dans laquelle il avait fait mettre une linotte, et il les pria de la serrer en quelque lieu sûr et secret, leur promettant, foi de Pape, de leur accorder ce qu’elles demandaient, si elles gardaient la boîte bien cachée, et leur faisant défense rigoureuse de l’ouvrir sous peine de censure ecclésiastique et d’excommunication éternelle. Cette défense ne fut pas plus tôt faite, qu’elles grillèrent de voir ce qu’il y avait dans la boîte, et il leur tardait que le pape fût dehors pour contenter leur envie. Leur ayant donné sa bénédiction, il se retira. Il n’avait pas fait trois pas hors de l’abbaye, que les bonnes