Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lais, docteur en médecine et calloier des Iles Hières. L’auteur susdit supplie les lecteurs bénévoles soi réserver à rire au soixante et dix-huitième livre.

Le premier livre avait paru en 1532, le deuxième livre vers 1534, onze ans auparavant. Dans ce long intervalle de temps, l’auteur avait perdu le fil ténu de son histoire. Aucun lien, pour ainsi dire, ne relie ce troisième livre aux précédents et pourtant Rabelais semble, quand il reprend son roman en sa maturité, se rappeler les jours déjà anciens de Fontenay-le-Comte, et se plaire à mettre en œuvre les idées qu’il avait échangées avec le juge André Tiraqueau, sous le bosquet de lauriers, touchant les femmes et le mariage. Le troisième livre, en effet, est aux trois quarts rempli par la très ample et très plaisante consultation de Panurge sur la question de savoir s’il se pourra marier sans inconvénients.

Nous allons feuilleter ensemble, si vous voulez bien, ce merveilleux troisième livre, le plus riche, le plus beau peut-être, le plus abondant en scènes comiques, de tout le Pantagruel. Mais rappelons auparavant que cette année 1546, signalée par l’apparition de cette œuvre joyeuse et lumineuse, fut douloureuse et sombre. Le roi François Ier, inquiet et malade, ne résistait plus aux exigences cruelles de la Sorbonne et du Parlement. Les persécuteurs de la pensée sévissaient âprement contre les humanistes, les philosophes, les savants, les poètes, contre quiconque, inclinant