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Mesdames et Messieurs, je crois être votre interprète à tous en donnant la bienvenue dans cette enceinte à Blasco Ibañez.

Mon ami Seignobos, professeur d’histoire à la Sorbonne, parlant d’un livre d’histoire de ma façon, me reprochait bien gracieusement d’avoir dissimulé les lacunes des textes et les limites parfois étroites de nos connaissances dans le tissu serré du récit et l’harmonie de la composition. Reproche flatteur, que mon livre ne méritait pas, et que cette causerie méritera moins encore. La biographie de Rabelais, par l’injure du temps et la négligence des hommes, est pleine de trous que je n’essayerai pas de boucher par quelque ravaudage. Il s’y trouve tout du long des lacunes. Ces lacunes occupent à peu près tout l’espace qu’il nous reste à parcourir. Après la mort du bon chevalier, nous perdons Maître François pour le retrouver un moment à Orléans dans la maison et à la table du seigneur de Saint-Ay, Étienne Lorens, qu’il avait connu homme d’armes de la compagnie de Langey et capitaine de Turin. Saint-Ay servait le roi de France avec zèle dans des négociations secrètes. En 1545, Saint-Ay reçut Rabelais dans son château qui s’élevait sur un coteau planté de vignes, au bord de la Loire, entre Meung et Orléans. Au pied du coteau, coulait une source près de laquelle notre auteur avait, dit-on, coutume de travailler. On montrait plus tard la table ronde en pierre sur laquelle il écri-