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meilleures à mon goût. Ces statues antiques sont bien faites, je le veux croire. Mais, par saint Ferréol d’Abbeville, les jeunes bachelettes de nos pays sont mille fois plus avenantes.

Ceci, ai-je besoin de le dire ? est du Rabelais littéral. Les lions et les tigres dont parle Frère Bernard Lardon ne sont point, comme on pourrait croire, sculptés dans le marbre ; ce sont les animaux d’une ménagerie princière. Les grands seigneurs italiens gardaient des bêtes féroces dans leurs palais. Un dessin, conservé au Louvre, de Giovanni Bellini représente un riche palais de la Renaissance avec des fauves enchaînés dans les caves.

Vers la mi-août, Jean du Bellay était à Rome où il reçut le chapeau. Bien qu’il s’y trouvât dans des circonstances graves et difficiles, il prenait le temps de rechercher les antiques. Il acheta, pour y faire des fouilles, une vigne du côté de San Lorenzo in Palisperna, entre le Viminal et l’Esquilin. Il reçut d’un cardinal romain un beau pilon antique. Mais ce présent fait à un étranger souleva une telle clameur à Rome que du Bellay dut rendre le pilon au gouverneur du Capitole.

À cette époque, les palais de la Ville Éternelle étaient ornés, comme ils le sont encore aujourd’hui, de morceaux antiques, marbres, bronzes, jaspes, porphyres. Les grands seigneurs en faisaient mettre dans les cours, dans les jardins,