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LA PART DE MADELEINE


« Que votre chaste haleine à mon souffle se mêle,
« Tranquilles fleurs des eaux, afin que le baiser
« Que sur le front élu ma lèvre ira poser,
« Calme comme la mort, soit infini comme ellel »

« Telle je soupirais au bord du lac natal.
Mais sur mes flancs blessés une mauvaise flamme,
Rebelle, dévorait ma chair avec mon âme.
Et voici que je meurs sur mon lit de santal.

« Pourunt, j’accepte encor la part de Madeleine :
J’avais choisi l’amour et j’avais eu raison.
Comme Marthe, ma sœur, qui garda la maison,
Je n’aurai point pesé la farine ou la laine ;

« La jarre, au ventre lourd d’olives ou de vin,
Dans les soins du cellier n’aura point clos ma vie ;
Mais ma part, je le sais, ne peut m’être ravie.
Et je l’emporterai dans l’inconnu divin 1 »

Elle dit : le reflet des choses éternelles
L’illumina d’horreur et d’épouvantement.
Alors elle se tut et pleura longuement :
Une âme flottait vague au fond de ses prunelles.