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à l’avenant : bouffants de la hanche et faisant un peu guêtre sur la bottine.

Et, quand on était habillé par M. Grégoire, pour peu qu’on sût porter le képi, en relevant la visière selon la mode d’alors, on avait une très jolie tournure.

M. Grégoire était un artiste. Lorsque, le lundi, pendant la récréation de midi, il apparaissait dans la cour portant sur le bras sa toilette verte qui enveloppait deux ou trois chefs-d’œuvre de tunique, les élèves à qui ces beaux ouvrages étaient destinés quittaient la partie de barres ou de cheval fondu et se rendaient avec M. Grégoire dans une des salles du rez-de-chaussée, pour essayer l’uniforme nouveau. Attentif et méditatif, M. Grégoire faisait sur le drap toute sorte de petits signes à la craie. Et, huit jours après, il rapportait, dans la même toilette verte, un costume irréprochable.

Par malheur, M. Grégoire faisait payer très cher ses tuniques. Il en avait le droit : il était sans rival. Le luxe est toujours coûteux : M. Grégoire était un tailleur de luxe. Je le vois encore, pâle, mélancolique, avec ses beaux cheveux blancs et ses yeux bleus, si fatigués sous des lunettes d’or ; il était d’une distinction parfaite