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De Carnac (Morbihan), le 4 août.

Du haut du tertre funéraire, consacré à saint Michel, on découvre deux plaines mornes, dont l’une est la terre et l’autre la mer. Au couchant, l’Océan s’étend jusqu’à l’arc azuré de l’horizon. À gauche, fuient les noirs rivages de Locmariaker, où dort, depuis des siècles innombrables, un chef barbare sous une chambre informe fait de quartiers de roche, et plus loin s’efface dans la brume la pointe de Saint-Gildas, où Abélard fut menacé de mort par des moines ignorants, qui haïssaient la musique et la philosophie. À droite, la lugubre presqu’île de Quiberon s’avance dans la mer que, vers le large, Belle-Île barre comme un grand brise-lames.

Mais, en tournant sur vous-même de manière à mettre Quiberon à votre gauche, vous voyez la lande s’étendre jusqu’aux bois de pins qui tracent au bord du ciel leurs lignes d’un bleu sombre ; sur cette plaine, que la bruyère colore d’un rose triste, passe la grande ombre des nuages. C’est Carnac, le Lieu-des-Pierres.

Une armée de menhirs s’y tient en ordre régulier. Devant vous se dressent les alignements