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comme tout le monde, leurs noms, leur génie et leur histoire : ils s’appellent Bossuet, Fénelon, Fléchier et Massillon.

À l’occident aussi, j’avais touché les confins de l’univers… Les hauteurs bouleversées de Chaillot, la colline du Trocadéro, sauvage alors, fleurie de bouillons blancs et parfumée de menthe, c’était véritablement le bout du monde, les bords de l’abîme où l’on aperçoit l’homme nu qui n’a qu’une jambe, et qui marche en sautant, l’homme poisson et l’homme sans tête qui porte un visage sur la poitrine. Aux abords du pont qui, de ce côté fermait l’univers, les quais étaient mornes, gris, poudreux. Point de fiacres, quelques promeneurs à peine. Çà et là, accoudés au parapet, de petits soldats qui taillaient une baguette et regardaient couler l’eau. Au pied du cavalier romain qui occupe l’angle droit du Champ-de-Mars, une vieille, accroupie au parapet, vendait des chaussons aux pommes et du coco. Le coco était dans une carafe coiffée d’un citron. La poussière et le silence passaient sur ces choses. Maintenant le pont d’Iéna relie entre eux des quartiers neufs. Il a perdu l’aspect morne et désolé qu’il avait dans mon enfance. La poussière que le vent soulève sur la chaussée