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ou une jambe humaine posée sur la table à côté d’eux. Il dévorait tous les livres, et puis il allait en disputer avec des camarades, dans la pépinière du Luxembourg, devant la statue de Velléda.

Et il était éloquent ! La Révolution de 1848 interrompit ses études de peinture. Il sentit son enthousiasme humanitaire grandir dans les clubs, il prit conscience de sa mission et conçut l’art nouveau.

Depuis lors, Jacobus Dubroquens eut beaucoup d’idées ; mais il lui fallait généralement, pour les exprimer, une toile de soixante pieds carrés. Soixante pieds carrés de peinture ou rien, voilà l’alternative dans laquelle il se trouvait d’ordinaire. Aussi ne sera-t-on pas trop surpris que Jacobus Dubroquens, à l’âge où je le connus, c’est-à-dire déjà grisonnant, n’eût pas fait encore un seul tableau.

Il avait trop d’idées. Et puis l’Empire le gênait. Il en attendait la chute. Il était célèbre dans la crémerie du boulevard Montparnasse, pour une copie d’une des sirènes de Rubens, qu’il avait faite au Louvre en 1847, et où il y avait des morceaux qui voulaient être bons, mais dont la couleur était froide et grise, en