Allez-vous au théâtre ? — Tous les soirs. J’étais hier à l’Opéra ; mais Polichinelle n’a pas joué, parce que le loup l’avait mangé. — Moi, ma chère, je vais au bal tous les jours. — C’est bien amusant. — Oui, je mets une robe bleue et je danse avec des jeunes gens, tout ce qu’il y a de mieux, des généraux, des princes, des confiseurs. — Vous êtes jolie comme un cœur aujourd’hui, ma mignonne. — C’est le printemps. — Oui, mais quel dommage qu’il neige ! — Moi, j’aime la neige, parce qu’elle est blanche. — Oh ! il y a de la neige noire. — Oui, mais c’est la vilaine neige. »
Voilà une belle conversation ; Mademoiselle Catherine la soutient avec agilité. Je lui ferai pourtant un reproche : elle cause sans cesse avec la même visiteuse qui est jolie et qui a une belle robe. Elle a tort. Une bonne maîtresse de maison est également affable avec toutes les invitées. Elle les traite toutes avec sollicitude et, si elle peut montrer quelque préférence, ce n’est qu’aux plus modestes et aux moins heureuses. Il faut flatter le malheur : c’est la seule flatterie qui soit permise. Mais Catherine l’a compris d’elle-même. Elle a deviné la vraie politesse : c’est le cœur qui l’inspire. Elle sert le thé à ses hôtesses et elle n’en oublie aucune. Elle insiste au contraire auprès des poupées qu’elle sait pauvres, malheureuses et timides, pour qu’elles prennent des petits gâteaux invisibles et des sandwichs faits avec des dominos.
Catherine aura un jour un salon où fleurira la vieille politesse française.