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LE JOUR DE CATHERINE


Il est cinq heures. Mademoiselle Catherine reçoit ses poupées. C’est son jour. Les poupées ne parlent pas : le petit Génie qui leur donna le sourire leur refusa la parole. Il agit ainsi pour le bien du monde : si les poupées parlaient, on n’entendrait qu’elles. Pourtant le cercle est animé. Mademoiselle Catherine parle pour ses visiteuses aussi bien que pour elle-même ; elle fait les demandes et les réponses.

« Comment allez-vous, madame ? — Très bien, madame. Je me suis cassé le bras hier matin en allant acheter des gâteaux. Mais c’est guéri. — Ah ! tant mieux ! — Et comment va votre petite ? — Elle a la coqueluche. — Ah ! quel malheur ! Elle tousse ? — Non, c’est une coqueluche qui ne tousse pas. — Vous savez, madame, j’ai encore eu deux enfants la semaine dernière. — Vraiment ? Cela fait quatre. — Quatre ou cinq, je ne sais plus. Quand on en a tant, on s’embrouille. — Vous avez une bien jolie toilette. — Oh ! j’en ai de bien plus belles encore à la maison. —