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Enfin les contrastes sont tels qu’il serait superflu et même ridicule de les marquer davantage. Pourtant je les admire l’un et l’autre bien sincèrement. Je le fais malgré moi, par plaisir et, comme dit La Fontaine, « pour que cela m’amuse » ; mais n’y serais-je pas amené par une naturelle inclination, que je voudrais le faire encore par hygiène intellectuelle.

Cela me paraît un bon exercice pour l’esprit. Il me semble qu’on a moins de chances de se tromper tout à fait dans son admiration quand on admire des choses très diverses. Je puis l’avouer sans crainte, après l’avoir si peu caché : je suis sûr de très peu de choses en ce monde. Je ne parle que de ce monde, ayant de bonnes raisons pour ne rien dire des autres. Or, une des choses qui me semblent le plus échapper sur la terre à la certitude humaine, c’est la qualité d’un vers. J’en fais une affaire de goût et de sentiment. Je ne croirai jamais qu’il y ait rien d’absolu à cet égard. M. Leconte de Lisle le croit.