Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prisonniers loubettistes, qui étaient menés sans douceur au poste de la rue Drouot. Pour la plupart, ayant été préalablement assommés, ils traînaient aux bras des agents comme des bonshommes d’étoupe. Il se trouvait dans le nombre un député socialiste, très bel homme, tout en barbe. Il n’avait plus de manches… un apprenti qui pleurait et qui criait : « maman ! maman !… » un rédacteur d’un journal incolore, les yeux pochés ; son nez, une fontaine lumineuse. Et allez donc ! la Marseillaise ! Qu’un sang impur… J’en remarquai surtout un, qui était bien plus respectable et bien plus calamiteux que les autres. C’était une espèce de professeur, homme d’âge et grave. Évidemment, il avait voulu s’expliquer ; il s’était efforcé de faire entendre aux flics des paroles subtiles et persuasives. Sans quoi, on n’aurait pas compris que ceux-ci lui labourassent les reins, comme ils faisaient, des clous de leurs souliers, et abattissent sur son dos leurs