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LES DIEUX ONT SOIF

liberté. Ce furent des jours chargés ; et les jurés, épuisés de fatigue, expédièrent le plus rapidement possible la femme Roland, inspiratrice ou complice des crimes de la faction brissotine.

Cependant Gamelin passait chaque matin au parquet pour presser l’affaire Maubel. Des pièces importantes étaient à Bordeaux : il obtint qu’un commissaire les irait chercher en poste. Elles arrivèrent enfin.

Le substitut de l’accusateur public les lut, fit la grimace et dit à Évariste :

— Elles ne sont pas fameuses, les pièces ! Il n’y a rien là dedans ! Des fadaises !… S’il était seulement certain que ce ci-devant comte de Maubel a émigré !…

Enfin Gamelin réussit. Le jeune Maubel reçut son acte d’accusation et fut traduit devant le Tribunal révolutionnaire le 19 brumaire.

Dès l’ouverture de l’audience, le président montra le visage sombre et terrible qu’il avait soin de prendre pour conduire les affaires mal instruites. Le substitut de l’accusateur se caressait le menton des barbes de sa plume et affectait la sérénité d’une conscience pure. Le greffier lut l’acte d’accusation : on n’en avait pas encore entendu de si creux.