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LES DIEUX ONT SOIF

Évariste Gamelin, bien qu’il ne possédât pas un sou, était inscrit parmi les membres actifs de la section : la loi n’accordait cette prérogative qu’aux citoyens assez riches pour payer une contribution de la valeur de trois journées de travail ; et elle exigeait dix journées pour qu’un électeur fût éligible. Mais la section du Pont-Neuf, éprise d’égalité et jalouse de son autonomie, tenait pour électeur et pour éligible tout citoyen qui avait payé de ses deniers son uniforme de garde national. C’était le cas de Gamelin, qui était citoyen actif de sa section et membre du Comité militaire.

Fortuné Trubert posa sa plume :

— Citoyen Évariste, va donc à la Convention demander qu’on nous envoie des instructions pour fouiller le sol des caves, lessiver la terre et les moellons et recueillir le salpêtre. Ce n’est pas tout que d’avoir des canons, il faut aussi de la poudre.

Un petit bossu, la plume à l’oreille et des papiers à la main, entra dans la ci-devant sacristie. C’était le citoyen Beauvisage, du comité de surveillance.

— Citoyens, dit-il, nous recevons de mauvaises nouvelles : Custine a évacué Landau.

— Custine est un traître ! s’écria Gamelin.

— Il sera guillotiné, dit Beauvisage.