principes nouveaux. On l’avait vue, en juillet 1790, bêcher la terre du Champ de Mars. Son penchant décidé pour les puissances l’avait portée facilement des feuillants aux girondins et aux montagnards, tandis qu’un esprit de conciliation, une ardeur d’embrassement et un certain génie d’intrigue l’attachaient encore aux aristocrates et aux contre-révolutionnaires. C’était une personne très répandue, fréquentant guinguettes, théâtres, traiteurs à la mode, tripots, salons, bureaux de journaux, antichambres de comités. La Révolution lui apportait nouveautés, divertissements, sourires, joies, affaires, entreprises fructueuses. Nouant des intrigues politiques et galantes, jouant de la harpe, dessinant des paysages, chantant des romances, dansant des danses grecques, donnant à souper, recevant de jolies femmes, comme la comtesse de Beaufort et l’actrice Descoings, tenant toute la nuit table de trente-et-un et de biribi et faisant rouler la rouge et la noire, elle trouvait encore le temps d’être pitoyable à ses amis. Curieuse, agissante, brouillonne, frivole, connaissant les hommes, ignorant les foules, aussi étrangère aux opinions qu’elle partageait qu’à celles qu’il lui fallait répudier, ne comprenant absolument rien à ce qui se passait en France, elle se montrait entreprenante, hardie et toute pleine d’audace par ignorance du danger
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LES DIEUX ONT SOIF