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de la barbe-bleue

dans le manoir de la Motte-Giron, à deux lieues, à vol d’oiseau, du château des Guillettes. D’où elle venait, ce qu’avait été son époux, tout le monde l’ignorait. Les uns pensaient, pour l’avoir entendu dire, qu’il avait tenu certains emplois en Savoie ou en Espagne ; d’autres disaient qu’il était mort aux Indes ; plusieurs s’imaginaient que sa veuve possédait des terres immenses ; quelques-uns en doutaient beaucoup. Cependant elle menait grand train et invitait à la Motte-Giron toute la noblesse de la contrée. Elle avait deux filles, dont l’aînée, Anne, près de coiffer Sainte-Catherine, était une fine mouche. Jeanne, la plus jeune, bonne à marier, cachait sous les apparences de l’ingénuité une précoce expérience du monde. La dame de Lespoisse avait aussi deux garçons de vingt et vingt-deux ans, fort beaux et bien faits, dont l’un était dragon et l’autre mousquetaire. Je dirai, pour avoir vu son brevet, que celui-ci était mousquetaire noir.