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de la barbe-bleue

une maladie qui fit craindre pour ses jours.

Les médecins, ayant employé divers médicaments sans effet, l’avertirent que le seul remède convenable à son mal était de prendre une jeune épouse. Alors il songea à sa petite cousine Angèle de la Garandine, qu’il pensait qu’on lui accorderait volontiers, parce qu’elle n’avait pas de bien. Ce qui l’encourageait à la prendre pour femme, c’est qu’elle passait pour simple et sans connaissance. Ayant été trompé par une femme d’esprit, une sotte le rassurait. Il épousa mademoiselle de la Garandine et s’aperçut de la fausseté de ses prévisions. Angèle était douce, Angèle était bonne, Angèle l’aimait ; elle n’était pas d’elle-même portée au mal, mais les moins habiles l’y induisaient facilement à toute heure. Il suffisait de lui dire : « Faites ceci de peur des oripeaux ; entrez ici de crainte que le loup garou ne vous mange » ; ou bien encore : « Fer-