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glissaient avec grâce sur l’herbe, traînant leurs parfums derrière elles.

Quatrefeuilles, avisant deux illustres hommes d’État, le président du conseil et son prédécesseur, qui causaient ensemble sous la statue de la Fortune, pensait les aborder. Mais Saint-Sylvain l’en dissuada.

— Ils sont tous deux infortunés, lui dit-il ; l’un ne se console pas d’avoir perdu le pouvoir, l’autre tremble de le perdre. Et leur ambition est d’autant plus misérable qu’ils sont l’un et l’autre plus libres et plus puissants dans une condition privée que dans l’exercice du pouvoir, où ils ne peuvent se maintenir que par une humble et déshonorante soumission aux caprices des Chambres, aux passions aveugles du peuple et aux intérêts des gens de finance. Ce qu’ils poursuivent avec tant d’ardeur, c’est leur pompeux abaissement. Ah ! Quatrefeuilles, restez avec vos piqueux, vos chevaux et vos