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n’ai d’affection qu’au bien public, et c’est la plus malheureuse des passions et l’amour la plus contrariée.

» J’ai été au pouvoir ; je me suis refusé à soutenir des fonds du trésor et du sang de nos soldats les expéditions organisées par des flibustiers et des mercantis pour leur propre enrichissement et la ruine publique ; je n’ai pas livré la flotte et l’armée en proie aux fournisseurs et je suis tombé sous les calomnies de tous ces fripons qui me reprochaient, aux applaudissements de la foule imbécile, de trahir les intérêts sacrés et la gloire de ma patrie. Contre les bandits de haute volée personne ne m’a soutenu. À voir de quelle sottise et de quelle lâcheté est fait le sentiment populaire, je regrette le pouvoir absolu. La faiblesse du roi me désespère ; la petitesse des grands m’est un spectacle affreux ; l’impéritie et l’improbité des ministres, l’ignorance, la bassesse et la vénalité des représentants du peuple me jet-