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histoire

tôt que réveillée ; chacun dut pourvoir selon ses moyens à sa réfection et à son équipement.

Boulingrin et Cicogne louèrent au régisseur du château une guimbarde du dix-septième siècle, attelée d’un canasson déjà fort vieux quand il s’était endormi d’un sommeil séculaire, et se firent conduire à la gare des Eaux-Perdues, ou ils prirent un train qui les mit en deux heures dans la capitale du royaume. Leur surprise était grande de tout ce qu’ils voyaient et de tout ce qu’ils entendaient. Mais, au bout d’un quart d’heure, ils eurent épuisé leur étonnement et rien ne les émerveilla plus. Eux-mêmes ils n’intéressaient personne. On ne comprenait absolument rien à leur histoire ; elle n’éveillait aucune curiosité, car notre esprit ne s’attache ni à ce qui est trop clair ni à ce qui est trop obscur pour lui. Boulingrin, comme on peut croire, ne s’expliquait pas le moins du monde ce qu’il lui